• Nuit

     

    J’ai mis un pied dehors. Le froid s’est engouffré dans la pièce.

    Et la peur.

    La nuit est tombée depuis des heures, avec son silence, ses dangers et son picotement qui me réveille. Cinq minutes de marche, ok ?

    J’ai pris une grande inspiration et je me suis élancée. Trois si je vais vite.

    J’ai entendu mes pieds battre le goudron et j’ai été heureuse de ce bruit régulier, pour cacher tous les autres qui auraient pu m’effrayer, pour focaliser mon attention.

    Je devine les quartiers que je traverse, je les visualise sur ma carte mentale, ça va aller, je me rassure mais ça ne sert à rien, mon cœur bat vite, trop vite et m’arrêter ça ne fera que me paniquer.

    Je dois rentrer chez moi, c’est tout.

    Je dépasse les poubelles, les poteaux des lampadaires, les buissons, les volets fermés, je commence la poursuite avec la peur, je marche si vite que j’entends l’air qui bruisse autour de moi. Le temps s’étire s’étire s’étire et la distance entre ces deux lampadaires est plus longue, j’en suis sûre.

    J’ai toujours eu peur du noir.

    C’est compulsif, ça me fait paniquer et il fait nuit ce soir, on approche les deux heures du mat’, nuit noire et papa ne m’attend plus à cette heure-là, et qui s’inquiétera ?

    Alors je me fixe sur des pensées qu’en d’autres temps j’aurais chassées, mon devoir de maths lundi et puis mon tour de lave-vaisselle, tout et n’importe quoi, tout qui pourra me ramener sur terre, m’empêcher de pester contre Lisa qui m’a retenue parce qu’elle voulait pas que je la laisse seule avec les autres et moi aussi, parce que j’ai pas eu la bonne idée d’insister pour rester dormir parce que j’habite à cinq minutes, hein, je suis pas prioritaire, après tout.

    Et, d’un coup, comme pour me ramener à tout ce que je m’efforce d’oublier les lampadaires se sont éteints.

    Une voiture est passée au loin et j’ai respiré, il ne fait pas si noir ; dans deux rues j’y suis, je me suis promis. Deux rues c’est rien, hein ?

    Mes talons battent le bitume mais ça ne suffit plus à me rassurer, non, ça ne suffit plus parce que cette fois, j’ai aussi peur de me perdre, peur de tomber, peur d’oublier comment respirer.

    Mon portable a plus de batterie et je suis là, dans le noir à marteler le sol de cette nuit obscure et tous mes cauchemars me reviennent en mémoire. Rien à faire, la sueur commence à couler, et je n’entends plus que le bruit de ma respiration qui est partie au galop, des chevaux emballés qui ont embarqué mon calme avec eux et m’empêchent de saisir d’autres bruits.

    J’ai sorti mon portable de ma poche, pour vérifier, encore une fois s’il pouvait pas au moins me servir de lampe de poche, me laisser me dire qu’au cas où, je pouvais toujours appeler quelqu’un, au secours. Ça m’apprendra à rien dire et surtout à personne où je vais, à juste crier « je sors » en partant et rentrer sur la pointe des pieds, au milieu de la nuit.

    J’en ai tellement tremblé d’espoir et de panique que je l’ai fait tomber, je me suis baisser précipitamment, j’ai cru que j’allais en pleurer, ou que je n’allais pas réussir à me relever.

     J’ai peur du noir, j’ai voulu crier maman, mais personne n’est là, le monde dort et les buissons entourent le chemin, et n’importe quoi pourrait en surgir, pour m’emmener, loin ou près, peu importe, là où on aura du mal à me retrouver…

    Un craquement et j’ai cru que mon cœur allait s’arrêter.

    J’ai traqué chaque mouvement et je me suis juré de dire à mes parents où j’allais, de même leur demander de venir me chercher, que j’allais leur faire partager plus de trucs, sur ce que je fais, sans devenir parano et croire qu’ils jouent à l’Inquisition ; ça me protègera au moins de cet instant.

    Mon cœur bat, et d’un coup, je ne perçois plus que ça.

    Et le silence de la nuit qui s’est endormie sur mes épaules.

    Je détale, parce que j’ai si peur et que tomber c’est rien à côté de la nuit qui m’encercle qui se rapproche et qui est partout, autour de moi, et cette peur oppressante, comme une boule qui ne me quittera pas tant que je n’aurais pas franchi la porte de chez moi.

    J’ai failli trébucher sur une pierre et j’ai reconnu notre boîte à lettres que maman a décidé de repeindre en rouge, l’été dernier, et jamais je n’ai été aussi contente et soulagée de la voir.

    Et, d’un coup, je me suis prise dans quelque chose qui m’a retenue, qui m’a griffée, et j’ai tenté de ravaler mes larmes, j’ai tiré, mais ça veux pas me lâcher et je n’ai plus de voix, j’ai froid et j’ai peur de me retourner ; et j’ai fini par le faire.

    Je me suis prise dans les ronces du voisin.

    J’ai fait les dernier mètres toute tremblante, tourné la clé dans la serrure, me suis affalée dans l’entrée, et je me suis promis d’y penser, que j’avais peur du noir, et que ça nous rattrape toujours les peurs, la prochaine fois que je sortirais le soir.

    En attendant, demain, je vais aller lui tailler ses ronces à ce voisin.

     

     

    Maéli.

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