• 6_Un début de vérité

    -Je suis perdue, pourquoi j'aurais pu oublier plus ?

    Je fronce les sourcils. Je suis un radeau à la dérive, je suis à la merci de la tempête et de ses mots. Le vent souffle fort, ce soir.

    Je ne sais pas ce qui retiens Corinne, pourtant elle est mal à l'aise, je ne sais pas ce qui se passe, d'un côté ; et puis...

    -Parce que ça fait deux ans qu'on ne se parle plus.

    Elle ne me regarde pas.

    -Mais on ne se parle jamais !

    L'exclamation sonne presque comme une interrogation ; Corinne, tu es ma bouée, ne me coule pas.

    -On est devenues amies pendant que j'attendais Joachim. Tu venais ici chaque semaine.

    Corinne, c'est pas ta faute, mais y a un grand vide, en moi, un espace qui vient de s'ouvrir et il est blanc alors que j'avais écrit des choses il est blanc et il devrait être noircit il est mien mais on me la retiré ; Corinne, comment est-ce que ça a pu arriver ?

    -Et...?

    -Et...

    Corinne se racle la gorge, j'attends, pendue à ses lèvres et on entend Joachim qui crie "Mamaaaan !" de cette voix qui vous dit qu'il n'attendra pas longtemps avant de piquer une crise. Elle semble à la fois contrite et soulagée ; elle me fait signe de ne pas bouger, elle murmure "désolée, je reviens...", elle répond, plus fort :

    -J'aaarrive !

    Et la voilà qui quitte la pièce, l'air un peu fragile et assurée, parce que s'occuper de son enfant, elle sait faire ; mais retrouver quelqu'un sur son palier qui ne se souvient pas de votre amitié et de ce qui l'a brisée, c'est une autre paire de manches.

    J'étais à la recherche d'une nuit et voilà que je découvre qu'il manque deux ans.

    Deux ans ; un chiffre qui dégringole les escaliers et que je me prends en pleine face.

    Un vent souffle dans la pièce et je frissonne, je pense à Henri, à Corinne et au petit Joachim que je n'ai pas dû voir souvent...

    Les talons de ma belle-soeur résonnent dans le couloir, -j'ai toujours eu du mal avec ce mot "belle-soeur", ça me fait grincer des dents-, et la voilà qui se rapproche et se rassoit.

    Je me demande si elle va laisser le silence s'étirer, ou si elle va tenter de venir me repêcher, je me dis que je suis prête à entendre ce qu'elle a à dire, que ça ira ; je me dis que je ne devrais pas couler pour la vérité.

    J'ai souvent tort, vous savez.

    La vie aime contredire mes pensées.

    -Sophie, je doute d'avoir les clés à tes réponses, mais je sais ce qui a déclenché ton départ.

    Mon départ ?

    Elle souffle. Elle est lancée. Elle me dira.

    -En fait

    Mon téléphone a sonné, elle s'est coupée.

     

    Maéli

     

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  • Commentaires

    1
    Samedi 21 Novembre 2015 à 18:53

    C'est vraiment trop génial, on a toujours envie d'en savoir plus quand on arrive au point final.

      • Dimanche 22 Novembre 2015 à 19:11

        Ahah j'adore si c'est ta réaction de lectrice, je dirais même, c'est parfait ! ;)

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